Da Viken
Sur un austère écran de parapluies tendus,
Roulant tambour voilé, s'abat l'intempérie.
C'est la marche funèbre au rythme inattendu
Qui escorte la foule et mon amour chéri.
Je suis encore ici, sous cette pluie qui tombe.
Mon âme, enveloppée de grâce, se détache
De la lourdeur mortelle et, jetant à la tombe
Son vieux manteau de chair, quitte son port d'attache.
Je m'attarde un instant au-dessus du cortège
Sur les pas de ma muse accablée de chagrin,
Qui voit de notre temps, dont rien ne nous protège,
Au fond du sablier glisser le dernier grain.
Elle est là, immobile, habitée de silence,
Déployant jusqu'à moi sa nature amoureuse.
Elle montre à la mort la vie par excellence.
Et la mue qui s'opère en est moins douloureuse.
Lavé, sous ce déluge aimant de larmes et d'eau,
Par celle qui m'aima d'un amour sans prudence
Tout au long de mes jours. Faisant mien ce credo,
Je m'éloigne un peu plus en perdant ma substance.
Je vois apparaître au fond de mon œil,
Entre terre et ciel, l'image diaphane
De son corps uni au mien qui recueille
Cette exquise extase à l'ardeur profane
Me hissant déjà jusqu'au divin seuil.
Et je reconnais ce même parfum,
Ce vertige étrange, alors que l'espace
S'ouvre là en moi, laissant aux confins
Du temps et des sens, ce moi qui s'efface
Et qui, jamais plus, n'aura soif ni faim.
Et je n'entends plus maintenant
Que la clarté de sa voix forte
Qui retentit dans l'assistance,
Chantant pour moi l'air mélodieux
Du requiem de l'existence
Qui se termine à cette porte
Que je franchis d'un seul tenant.
L'éternité perd la mesure;
Ce timbre unique agit encore
Dans l'au-delà où il résonne
Comme le don même de Dieu
Qui chante ainsi comme personne
Et me compose un nouveau corps
Avec le bleu de son azur.
Soulevé par ce chant,
Tout mon être inspiré,
Accordant sa breloque
Au divin diapason,
Se dissout. En touchant
Au muet empyrée
Notre amour réciproque
A rejoint sa maison.
Plus rien ne souffre.
Dans l'athanor,
Mercure et soufre
Se changent en or
Voici
La fin
De mon
Sommeil,
Ici
Enfin
Est mon
Réveil.
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