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L'heure du Graal
Parution : 11 mars 2023
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Da Viken


 

Sur un austère écran de parapluies tendus,

Roulant tambour voilé, s'abat l'intempérie.

C'est la marche funèbre au rythme inattendu

Qui escorte la foule et mon amour chéri.

Je suis encore ici, sous cette pluie qui tombe.

Mon âme, enveloppée de grâce, se détache

De la lourdeur mortelle et, jetant à la tombe

Son vieux manteau de chair, quitte son port d'attache.

Je m'attarde un instant au-dessus du cortège

Sur les pas de ma muse accablée de chagrin,

Qui voit de notre temps, dont rien ne nous protège,

Au fond du sablier glisser le dernier grain.

Elle est là, immobile, habitée de silence,

Déployant jusqu'à moi sa nature amoureuse.

Elle montre à la mort la vie par excellence.

Et la mue qui s'opère en est moins douloureuse.

Lavé, sous ce déluge aimant de larmes et d'eau,

Par celle qui m'aima d'un amour sans prudence

Tout au long de mes jours. Faisant mien ce credo,

Je m'éloigne un peu plus en perdant ma substance.

Je vois apparaître au fond de mon œil,

Entre terre et ciel, l'image diaphane

De son corps uni au mien qui recueille

Cette exquise extase à l'ardeur profane

Me hissant déjà jusqu'au divin seuil.

Et je reconnais ce même parfum,

Ce vertige étrange, alors que l'espace

S'ouvre là en moi, laissant aux confins

Du temps et des sens, ce moi qui s'efface

Et qui, jamais plus, n'aura soif ni faim.

Et je n'entends plus maintenant

Que la clarté de sa voix forte

Qui retentit dans l'assistance,

Chantant pour moi l'air mélodieux

Du requiem de l'existence

Qui se termine à cette porte

Que je franchis d'un seul tenant.

L'éternité perd la mesure;

Ce timbre unique agit encore

Dans l'au-delà où il résonne

Comme le don même de Dieu

Qui chante ainsi comme personne

Et me compose un nouveau corps

Avec le bleu de son azur.

Soulevé par ce chant,

Tout mon être inspiré,

Accordant sa breloque

Au divin diapason,

Se dissout. En touchant

Au muet empyrée

Notre amour réciproque

A rejoint sa maison.

Plus rien ne souffre.

Dans l'athanor,

Mercure et soufre

Se changent en or

Voici

La fin

De mon

Sommeil,

Ici

Enfin

Est mon

Réveil.

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