Baha al-Din, le derviche
"Il est un point, sais-tu? où tout est immobile".
Il ne dit rien de plus de ce précieux mystère,
Mais il tend une main au ciel, l'autre à la terre,
Pour tenir en aplomb l'équilibre labile...
... De son corps, qui se met, à tourner, lentement
Pivotant sur un pas, fléchissant sur un autre,
Chaque tour enchaînant le suivant à un autre
Et le monde alentour se met en mouvement.
Tandis que par en-haut le ciel saisit sa main
Et que l'autre en-bas prend racine aux fondations,
Le derviche accomplit une révolution :
Au centre de la roue s'arrête son chemin.
Rien ne bouge au-dedans et tout tourne au-dehors.
À l'orbe de sa robe une onde souple ondule,
Comme tourne l'aiguille autour de la pendule
Tout en demeurant fixe au point de son essor.
La figure ajustée au méridien du monde,
L'ego enseveli sous la pierre tombale,
Le grain de ses pensées s'échappe de la balle
Et retombe en poussière avec la meule ronde.
Baha al-Din n'est plus. Absent totalement,
Il est entièrement présent autour de lui,
Shéhérazade au coeur des mille et une nuits,
Son âme s'abandonne au baiser de l'Amant.
Il se trouve en ce lieu où le souffle se crée,
En l'infime infini, où rien n'est, tout commence
Et s'achève à présent en cet atome immense
Où les hommes et les dieux échangent leurs secrets.
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